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PRESENTATION DE BOUZEGUENE VILLAGE
Organisation générale d’un village kabyle, en particulier WIZGAN
PRESENTATION
DE BOUZEGUENE VILLAGE |
Wizgan ou
At Wizgan, l’un des vingt trois village qui constituent
la commune de Bouzeguene. L’explication de la même dénomination
que porte le village et la commune et aussi la Daira est due au rapprochement
du village du centre urbain qui est devenu chef lieu des administrations (APC,
police, bureau de poste, etc…) après avoir été le
sinistrement célèbre « Camp de l’armée française
» . Ajoutant à cela, La majorité des terres sur lesquelles
ont été construites les bâtisses du centre urbain appartenaient
aux villageois de Bouzeguene.
Mais l’origine même de la dénomination du village est sujet
de plusieurs versions; tout d’abord le mot Wizgan en kabyle est composé
de deux parties : WI veut dire « celui
» , et le verbe conjugue à la troisième personne du singulier
au présent continu : ZGAN veut dire « perdurer
».
Selon toujours la même version, quand le village n’était
que champs et bois, il y’avait un berger qui n’arrêtait de
paître son troupeau au même endroit et sur de longues périodes,
comme de loin on connaissait pas le nom du berger, on l’appelait «
Wizgan » qui deviendra beaucoup plus tard le nom du village, et qui confirmera
le sens même de cette dénomination .
Pour ce qui est de la situation géographique, le village se situe au
centre de la commune entouré d’une vingtaine de village, contrairement
à la commune qui, elle se situe à l’extrême Est de
la wilaya de Tizi-ouzou soit soixante trois kilomètres de route assez
sinueuse de Bouzeguene et Azazga, un transit obligatoire pour aller au chef
lieu de la wilaya. L’éloignement de la Daira de Bouzeguene a fait
qu’elle se retrouve au chevet de la wilaya de Bejaia, surtout du cote
des monts d’Ait zikki qui partagent la borne frontalière avec le
col de Chellatta, et la Daira d’Ighzer Amokrane. Il faut dire que la majorité
de la marchandise que la clientèle de Bouzeguene a besoin, surtout les
matériaux de construction, viennent des localités de Bejaia, à
l’instar d’Akbou et de Tazmalt.
Les vingt et unes familles qui forment le village de Bouzeguene se cohabitent
sous le même mot d’ordre à savoir le respect. Avant l’instauration
de l’état civile administratif Français qui date des années
soixante et soixante dix du dix-neuvième siècle, At Wizgan se
compose seulement de sept tribus ancestrales (At ammar, Imourhoumene, atwakli,etc),
d’ailleurs pour se vanter de prestige que procure les sept tribus, le
villageois de Bouzeguene n’hésite pas a s’affirmer qu’il
est issu du « village aux sept tribus » en kabyle on dit «
tadart m sevaa ederma ».
Aujourd’hui le village est considéré comme l’un des
plus peuplé de la région , on estime que la population avoisine
les sept mille habitants, partagées en trois grands parties (regroupement
de maisons) : Takhlijt, tadart et tahemalt & alma.
L’organisation politique du village est semblable à celle de tout
les villages kabyles, un comité de sage régule les affaires courantes
et statut sur les litiges entre les citoyens, ceci suivant « lqanoun tadart
» une sorte de constitution auquel est soumis tout les villageois. l’assemblée
du village est tellement souveraine que tout changement au niveau des lois ou
du comité doit avoir l’avale de l’assemblée, elle
est souvent convoquée périodiquement, mais aussi en cas de nécessité.
la convocation des citoyens pour assister à l’assemblée
du village se fait par l’affichage ou par le haut parleur de la mosquée
.
L’évocation de Bouzeguene village est souvent associe à
la guerre de libération nationale, ceci pour le rôle qu’a
joué ces valeureux fils (hommes et femmes), dont une cinquantaine tombé
au champ d’honneur. Sans oublier que le célèbre colonel
et chef historique de la wilaya trois, Akli mohand Oulhadj en l’occurrence,
est natif de Bouzeguene village, c’était le premier Algérien
qui a hissé l’emblème national, un certain trois juillet
1962, à sidi Ferredj ! Pour que les jeunes générations
se souviennent des exploits de leurs aînés.
N.Messaoui
Organisation générale d’un village kabyle, en particulier WIZGAN
Préface
|
L’organisation
politique et administrative du peuple kabyle est une des plus démocratique
qui puisse imaginer. Jamais, peut-être administration n’a compté
un nombre de fonctionnaires et n’a occasionné moins de dépenses
à ses administrés. Là en effet, le peuple est tout et suffit
pour tout ; le gouvernement, l’administration, la justice, ne coûtent
absolument rien à la communauté. Cet état des choses n’est
pas comme on le devine sans peine, c’est le résultat de combinaisons
savantes, dont sont incapables des tribus à demi barbares ; il est la
conséquence naturelle de l’esprit d’association et de solidarité
qui animent ces populations. Toute la société KABYLE est constituée
d’après le principe qui émane de cet esprit ; partout on
retrouve, à ses divers degrés, l’association solidaire,
aussi bien dans les moindres intérêts de la vie privée que
dans les relations de la famille, du village et de la tribu.
Les institutions kabyles, quelque rudimentaires quelles soient, méritent
donc, à plus d’un titre, de fixer d’attention. Elles peuvent
fournir un curieux sujet d’études et d’observation.
Comme toutes les institutions humaines, elles ont eu, pour le peuple qui les
a adaptées des avantages mêlés de graves inconvénients.
Grâce à elles, le kabyle, initié par la conscience de ses
droits, à la connaissance de ces devoirs envers ses concitoyens, a pu
conserver jusqu'à nos jours sa liberté et son indépendance.
Sûr de jouir du fruit de son travail, il a tiré de son pays, dans
les limites de ses moyens d’action, tout ce qu’on pourrait attendre
d’un sol ingrat. Il a été préservé, enfin
de tous les fléaux du despotisme qu’a créé, dans
la société musulmane, le culte de la force envisagée comme
une manifestation de la volonté devine.
Les Kabyles ne se dissimulent pas les défauts de leur organisation sociale,
ils les déplorent ; mais la somme des avantages l’emporte à
leurs yeux, car ils sont passionnément attachés à leurs
coutumes, et il n’y a pas d’exemples de tentatives ayant pour but
de changer la forme du gouvernement. Les instincts municipaux, si prononcés
chez les Kabyles, paraissent communs à toute la race Berbère ;
partout ou elle a échappé à la domination étrangère,
nous la retrouvant organisée en petites républiques « village
» regroupés en confédération « AARCH »
de peu d’étendue.
On ne peut se défendre
d’un profond sentiment d’étonnement en voyant des fractions
si nombreuses inconnues les unes des autres pour la plupart, souvent sans relation
possible, obéir à une impulsion en quelque sorte innée,
pour adopter les mêmes usages, dans les conditions les plus différentes
de climat, de pays et de manière de vivre.
Cette passion d’égalité et d’indépendance,
qui anime la société Berbère, est trop générale
et trop vivace pour être de date récente. Elle a du constituer
à toutes les époques, le caractère distinctif et le mobile
dirigeant de la race.
Le
village |
L’unité
politique et administrative, en pays kabyle est le village « TADART ».
C’est un corps qui a sa vie propre, son indépendance, son autonomie
: il nomme ses chefs, fait ou modifie ses lois, s’administre lui-même…
L’autorité dirigeante de WIZGAN, la seule, à vrai dire,
puisqu’elle possède, en même temps que le pouvoir politique
et administratif, la plénitude, au moins en principe du pouvoir judiciaire,
est LEJMAÂ N TADART « Assemblée Générale du
village ». C’est elle qui désigne les différentes
institutions qui ont pour tache de mener à bonne conduite le navire WIZGAN.
L’institution la plus importante qui émane de cet AG (assemblée
générale) est LWEJNA N TADART (le comite du village). Au sein
de notre village la désignation du comité du village s’est
faite de plusieurs manières, selon les conjonctures.
Soit l’AG désigne le président, charge à lui de former
son comité, constitué essentiellement, d’un secrétaire
général, un trésorier et quelques suppléants (de
deux ou trois jusqu’à cinq bons hommes). Ou bien on désigne
une équipe complète qui se chargera du partage des différentes
fonctions. On était même arrivé à faire de ce comité
un tour de rôle entre familles. Chaques trois familles, préalablement
partagées, formeront un comité qui doit gérer une mandature
d’une année, ce qui n’a duré que l’espace d’un
mandat, avant d’être rejeté par les villageois pour son absence
de volontariat.
Le comité du village s’élargie au conseil du village formé,
en plus des membres du comité (l’exécutif), des IMGHAREN
N LEHWARI (représentants des familles). Chaque famille en désigne
son représentant qui se chargera d’intermédiaire entre elle
et l’exécutif: il collecte les cotisations, informe les membres
de sa famille de toutes les décisions, distribue les dons du village
pour les nécessiteux de sa famille…etc.
En plus, le village se dote d’un comité des sages, formé
des vieux du village ayant le sens de la raison, il se charge de la justice
et règle les différents litiges entre citoyens. D’après
sa constitution de notables, ayant, pour la plupart d’entre eux, été
dans les différentes institutions du village, cette instance peut être
un organe consultatif pour le comité. C’est aussi parmi ces hommes
posés qu’on désigne le représentant du village au
niveau de L ÂARCH NAT IDJAR (confédération regroupant les
villages de la région de Bouzeguéne).
LEJMAÂ
N TADART |
C’est l’assemblée
générale (AG) du village. L’AG du village est une tribune
où se confrontent les différentes positions et opinions des citoyens.
Toutes les questions ayant un intérêt pour les villageois sont
traitées en séance plénière. Ses décisions
sont souveraines et elle les fait, au besoin, exécuter elle-même.
Cette souveraineté fait que c’est elle qui désigne les comités
du village et leur attribut un certain nombre, de missions et leur demande des
comptes à chaque fin de mission.
L’initiative, en tout ce qui conserve les intérêts généraux
de la communauté, lui appartient, et les plus intimes de la vie privée
n’échappent toujours pas à son control. L’autorité
ombrageuse souvent passionnée, elle serait exposée sans cesse
à subir des entraînements irréfléchis, si elle n’avait,
comme contre poids son respect pour les usages consacrés par le temps.
Ce culte des coutumes qui honore notre communauté et qui a été
jusqu'à présent la sauvegarde de ses institutions ne va cependant
pas jusqu’à l’entêtement aveugle, qui condamne l’immobilité.
La porte est toujours était ouverte aux reformes reconnues utiles et
il n’est pas rare de voir Lejmae de WIZGAN désigné des commissions
de réflexion ou abroger carrément des décisions antérieurement
entérinées par ses membres et actuellement révolues par
le temps. Cette disposition des esprits à accepter des innovations dans
ses usages est un trait essentiel qui distingue la race Berbère des autres
peuples musulmans.
En principe tout homme atteignant l’âge de la majorité est
admis à faire partie de l’AG du village. A ce titre, il jouit des
droits du citoyen, en accomplit les devoirs et en subit les charges. Il peut
assister aux séances de l’assemblée et à voix délibérative.
LEJMA? de WIZGAN se déroule ordinairement les vendredis matin, il est
convoqué par le comité du village qui en établit l’ordre
du jour, sans toute fois fermer la porte à des éventuelles propositions
que les citoyens jugent utiles à débattre. L’AG se déroule
dans la salle des réunions au rez-de-chaussée de la mosquée.
Les citoyens prennent place sur des bancs. Autrefois, la présence de
tous les membres du village est exigée, mais actuellement et vu l’impossibilité
de la salle à contenir tout le monde, les AG sont exigées qu’à
un seul représentant par foyer (maison). Lorsque l’assemblée
est réunie, on fait appel à l’ensemble de ses membres et
toute absence est constatée par le président du comité,
qui préside aussi l’AG avec ses adjoints, et elle est sanctionnée
par une amende fixée par ces derniers ( actuellement c’est 200DA
pour l’absence, et 20DA pour un retard). Apres la récitation de
« La Fatiha » ( une prière et du coran), le président
déclare la séance ouverte et exposée alors les motifs de
la réunion en invitant les citoyens à émettre leurs avis.
Les paroles sont attribuées par ce dernier.
En temps ordinaire les assemblées se passent très bien avec un
calme et une décence qui feraient honneur à l’ensemble des
villageois. C’est seulement quand les esprits sont d’avance surexcitée
que les discussions deviennent orageuses mais alors quelques hommes très
influents avec un talent oratoire remarquable, calme le jeu et redonne à
l’AG sa sérénité. Lorsque les affaires portées
à l’ordre du jour sont épuisées, on récite
à nouveau « la Fatiha », et le président lève
la séance.
Les décisions de l‘assemblée font un consensus de toutes
les parties et des fois, selon l’importance de l’affaire, l’unanimité
est nécessaire. Toute-fois l’opinion de la minorité, quelque
faible qu’elle soit, est toujours prise au sérieux.
CONCLUSION |
En conclusion nous constatant que
notre village s’est toujours organisé, au même titre que
toute la communauté kabyle, en un vrai système de gouvernance
digne des grandes nations de notre époque. Même si c’est
une organisation tribale, ce mode de gouvernance est un model de démocratie
où, et comme nous l’avons signalé haut, le peuple est tout
et suffi pour tout; le décideur, le travailleur, le gouverneur, le policier,
la justice …etc.
WIZGAN et à l’instar de toute la Kabylie, doit beaucoup pour cette
organisation qui a pu le protéger et préserver sa cohésion
à travers les temps.
A travers cet exposé
nous (l’équipe du site) avons voulu apporter quelques éléments
vous permettront, vous internautes, de comprendre la base de fonctionnement
de ces petits villages de kabylie. Aussi nous souhaitons ouvrire un chantier
que vous, les lecteurs de ce site, aurez à enrichire par vos critiques
et suggestions. Ce chantier consiste aussi à initier nos internautes
à réfléchir et proposer les voies et moyennes que les populations
kabyles doivent se donner pour que leur excellent mode d’organisation
puisse évoluer à l’ère de l’Internet et ne
pas se retrouver en marge de l’énorme progrès que notre
humanité atteint de jour en jour. Nous attendant avec impatiences vos
contacts et vos critiques que nous accueillerons avec plaisir.
Nous souhaitons être à la hauteur de ce thème et que d’autres
nous suivront. Comme l’a dit le grand écrivain algérien
Mouloud MAMMERI : «nous, nous avons défriché le terrain
à présent, aux autres de suivre… »
Juillet 2005
Y.Akli